Fiction, réalité et sorcellerie : Jessica Fanhan nous raconte "Belle Dame"

Du 28 septembre au 7 octobre au Studio Varia

Propos recueillis par Sophie Thomine le 31 août 2023
 

C’est ton premier spectacle ; qu’est-ce qui t’a donné envie de le faire ?

J’avais envie de le faire depuis des années ce projet en réalité. Raconter quelque chose de mes origines, de mes racines, créer mes propres images, partager mon imagi- naire...

C’était déjà très présent dans les propositions que je fai- sais à l’école (ndlr de théâtre) par exemple. L’envie était déjà là. Mais il m’a fallu du temps avant de me sentir prête et légitime à faire cette création. Ma propre création.

Je me suis beaucoup auto-censurée, par ailleurs, car j’avais l’impression que le sujet de l’identité était très attendu de ma part, surtout pour un premier projet. Mais ça s’imposait, c’est un premier projet et je devais passer par là.
 

Parle-nous du sous-titre du spectacle « de l’ignorance à la connaissance » ?

Avant toute chose, c’est important de dire que j’ai commencé le spectacle avec ce sous-titre en tête. Le titre Belle Dame m’est venu peu de temps après. Ce sous-titre est très lié à mon histoire intime. Je suis arrivée en Belgique à l’âge d’un an et demi, je suis née en Guadeloupe, mes origines sont là-bas. Je connais certains récits familiaux. Mais c’est presque tout. Dans le vécu, je connais très peu la Guadeloupe. J’y ai été deux fois.

Je ne connais pas mon père, ni vraiment ma grand-mère, j’ai plein de cousins, oncles et tantes que j’ai à peine rencontrés. L’ignorance commençait déjà dans ma famille. L’histoire de cette création est donc celle d’un chemin initiatique pour aller vers la connaissance.

"Croire en moi et non plus en une entité qui m'échappe"

Quelle est la part de fiction et la part de réel dans ton spectacle ?

J’entremêle pas mal les deux. C’est quelque chose qui m’a toujours fascinée cette fine ligne entre la réalité et la fiction.
Même dans la vie de tous les jours, je pense beaucoup à ce que l’on oublie, ce que l’on adapte, ce qu’on réinvente quand on raconte un souvenir par exemple. On passe notre temps à faire ça, à transformer le réel. A convoquer nos imaginaires.

Belle Dame c’est la réinvention de mon histoire grâce à l’imaginaire.
Il y a une grande part de fiction, bien que ce soit aussi toute l’ambiguïté que j’entretiens moi-même avec ce que j’ai écrit puisque je parle de faits réels et intimes.


 

La figure de la sorcière est très présente dans ton spectacle...

Alors, il faut savoir que j’ai toujours été fan de ces univers-là ! Quand j’étais enfant, je traînais ma mère dans des salons ésotériques sur les sorcières, la magie, ... Et puis j’ai été élevée dans une famille d’origine guadeloupéenne, il y a encore beaucoup de croyances, de superstitions, de choses « que l’on peut faire » et « de choses à ne surtout pas faire »,...

J’en parle d’ailleurs dans le spectacle, je raconte notam- ment cette anecdote où, enfant, je dis à ma mère que j’ai entendu des coups sur la porte et elle m’avait répondu « Ouh ! Attention, il ne faut pas répondre... Ça peut être des zombies ! ». Enfin voilà, ça me constitue et même si en grandissant on y croit plus vraiment, ça reste évidemment.

Et puis en devenant adulte, on s’en empare différemment de cette figure aussi.
A un moment donné, j’ai voulu arrêter de donner du pou- voir aux autres ; à ces voix, ces esprits, ces croyances ; et de mettre ma croyance en moi. Croire en moi et non plus à une entité qui m’échappe. C’est la figure que l’on connait aujourd’hui, l’image de la femme empouvoirée.

 

Tu co-mets en scène ce spectacle avec Fatou Traoré, parle-nous de cette collaboration.

Je n’ai pas osé lui demander au début, j’avais peur. Et puis, je me suis jetée à l’eau et le lendemain, elle était chez moi et on commençait le travail.
Fatou, c’est la personne qui me fallait pour m’accompagner sur ce projet. Elle comprend tout ce que j’essaie de faire passer. Et très vite, j’ai voulu qu’elle co-mette en scène avec moi. J’écris, je joue et je tenais à aussi mettre en scène mais j’avais besoin d’une présence supplémen- taire pour me soutenir à cet endroit de la création.
 

Parle-nous de la présence de la musique dans ton spectacle.

Au début, mon fantasme c’était d’avoir des musiciens sur scène. Et puis en y travaillant, ça a évolué et désormais c’est un musicien qui crée mais qui n’est pas sur scène avec moi : Dorian Baste. Je découvre l’univers de la création musicale. Cela produit des choses très intéressantes ! La création son et musique se travaillent très étroite- ment ; ça devient très vivant et organique. Son et musique cherchent des façons d’accompagner les trois différentes parties du spectacle : la Belgique, la Guadeloupe, et le monde parallèle. Le passé, le présent et le futur.

 

28.09—07.10.2023
BELLE DAME
(De l'ignorance à la connaissance)
Jessica Fanhan

Actus